Nicolas Houny, la pêche au cœur

Source iconographique : Nicolas Houny

Chaque jour, accompagné de son fidèle équipage, Nicolas Houny sillonne la mer Méditerranée à bord de son chalutier. Rencontre avec un pêcheur passionné, mais aussi très lucide sur les défis et les difficultés que rencontre le métier.

La pêche, une affaire de famille

Depuis tout jeune, Nicolas Houny est attiré par la mer. Dès l’âge de 8 ans, il lui arrive d’accompagner son père sur son chalutier. Dès ses 14 ans, il passe la totalité de ses vacances à bord pour épauler son père. Très vite, cette passion devient une vocation.

 

S’il s’oriente dans un premier temps vers les métiers du bois, très rapidement, il revient à ses premières amours en intégrant le lycée professionnel de la mer à Sète. « Un tournant dans ma vie », raconte-t-il. Il a alors 17 ans et navigue sur un chalutier au Grau-du-Roi en tant que matelot.

 

Conjuguant passion et ambition, Nicolas Houny ne tarde pas à informer son père de son intention de « devenir patron ». En 2013, il obtient son diplôme de capitaine et l’année suivante, soutenu par son père, il fait l’acquisition d’un chalutier de 22 mètres.

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« On a souvent tendance à oublier que nous sommes un maillon essentiel de l'alimentation française et européenne. »
Nicolas Houny

La passion et l'engagement au quotidien

Les pêcheurs sont des lève-tôt. En général, Nicolas Houny se réveille à 2 heures du matin. Son chalutier quitte le port vers trois heures du matin, bien que cette heure puisse varier en fonction des périodes de l’année et des conditions climatiques. Il en va de même pour le temps nécessaire pour rejoindre la zone de pêche. Parfois trente minutes suffisent, parfois trois heures. Le retour au port a lieu entre 16h et 17H30. Le poisson est alors débarqué sur des palettes, puis vendu par la coopérative locale Le fruit de la pêche est assez varié : maquereau, merlu, lotte, poulpe, rouget, sole, barbu, calamar… « Nous sommes avec notre famille le soir », tient toutefois à préciser l’entrepreneur. Une situation qui n’est pas si répandue dans l’univers de la pêche.

L'équipage, un collectif soudé

Depuis plusieurs années, Nicolas Houny s’appuie sur une équipe de trois matelots qui, comme lui, ont la passion du métier. « Aucune journée ne ressemble à une autre, c’est très plaisant », précise le capitaine. Lorsque le chalut est à l’eau, les matelots ont la possibilité de se reposer. Pas de répit en revanche pour Nicolas Houny qui admet devoir « veiller une bonne partie de la journée ». Parfois, le rythme s’intensifie nettement. Quoi qu’il arrive, solidarité et coopération sont de mise.

 

L’exigence du métier et la passion commune sont un vecteur de cohésion à bord : « généralement, l’ambiance est très bonne ». Preuve en est, son équipe n’a pas changé depuis de nombreuses années. Ainsi, l’un de ses matelots travaille à ses côtés depuis 8 ans, soit presque depuis le début de cette belle aventure professionnelle. Une situation dont se félicite Nicolas Houny : « il y a très peu de matelots sur le marché du travail ».

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Source iconographique : Nicolas Houny

Faire changer les mentalités sur le chalutier

Le chalut n’a pas toujours très bonne presse, y compris dans les établissements scolaires formant aux métiers de la mer. Nicolas Houny l’a constaté auprès des jeunes qui réalisent des stages à bord de son bateau. Souvent, les élèves sont plutôt incités à rejoindre les activités commerciales, (long-court : long trajet d’un ou 2 mois, cabotage : seulement quelques semaines à bord, etc…). Nicolas Houny le regrette : « on a souvent tendance à oublier que nous sommes un maillon essentiel de l’alimentation française et européenne ». 

 

Ces dernières années, le nombre de chalutiers a considérablement baissé. « Dans les années 80, il y avait 200 chalutiers en Méditerranée, aujourd’hui ils ne sont plus que 43 », remarque Nicolas Houny. Malgré les doutes et un contexte parfois difficile, rien n’entame sa détermination, très attaché à la défense de son métier.   

Un pêcheur lucide sur l'évolution du métier

Car Nicolas Houny a son franc parler, n’hésitant pas à questionner l’évolution de la réglementation, notamment le plan de gestion pluriannuel pour les pêcheries démersales¹ en Méditerranée occidentale (autrement appelé WEST MED). Adopté en février 2019, il s’inscrit dans une politique de restauration des stocks les plus fortement exploités. Nicolas Houny regrette que certaines de ses mesures ne soient pas pleinement adaptées à sa situation. 

 

La limitation du nombre de jours de pêche est un autre sujet d’interrogation : « chaque année, nous ne savons pas combien de jours nous allons pouvoir exercer notre métier », constate Nicolas Houny. « En deçà de 180 jours, nous ne sommes plus rentables, d’après notre organisation de producteurs. Or, cette année nous sommes cantonnés à 190 jours de pêche », poursuit-il. Crédit, charges, assurance : les frais engagés sont importants.

Une conscience écologique indéniable

Nicolas Houny en est convaincu : il faut œuvrer à une meilleure préservation des ressources halieutiques. Comme d’autres membres de la profession, il a investi dans du matériel adapté, notamment dans des panneaux qui permettent de réduire la pression sur les fonds marins. Un investissement conséquent : « pas moins de 10 000 euros », fait remarquer le pêcheur. « Toujours dans l’optique de mieux préserver les ressources, nous devons également respecter un maillage réglementaire pour les poches des filets. Ces derniers sont d’ailleurs changés plusieurs fois dans l’année. Enfin, nous avons dû faire des efforts dans la consommation de nos carburants (filets dyneema plus coûteux), etc. »

 

L’entrepreneur regrette toutefois que les pêcheurs soient si souvent pointés du doigt lorsqu’il est question de la préservation des ressources halieutiques. Il rappelle à juste titre que le phénomène est multifactoriel. C’est ainsi qu’il salue les avancées scientifiques permettant d’y voir plus clair sur la situation : « les scientifiques ont mis en lumière le fait que plancton subissait le réchauffement climatique.  Le merlu se nourrit de sardine, la sardine de plancton : toute la chaîne alimentaire est impactée ». Nicolas Houny a pu observer de façon empirique que l’abondance de certaines espèces variait en fonction de la chaleur : « lorsque les températures sont plus clémentes, on observe une nette progression du stock de merlus par rapport aux années plus chaudes ».  

 

Conscient des défis et des difficultés, Nicolas Houny reste profondément attaché à son métier. « Le métier est tellement beau, je ne peux pas croire qu’il puisse disparaître », souligne le pêcheur. Un beau message d’espoir pour celles et ceux qui partagent son attachement viscéral à la profession.

¹Les espèces démersales vivent au-dessus des fonds.

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