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Ludovic Le Roux : « La mer m’a appris à ne jamais lâcher »

À 53 ans, Ludovic Le Roux est patron pêcheur à La Turballe (Loire-Atlantique) et président de l’Organisation de Producteurs Les Pêcheurs de Bretagne. Fils de marin, il a repris le flambeau familial avec passion et lucidité. Entre souvenirs de pêche, coups durs en mer et combat pour défendre la profession, il raconte ce que la mer lui a appris.

Une vocation forgée sur les quais

« Je suis né dedans », lâche-t-il avec simplicité. Fils de marin, Ludovic Le Roux découvre très jeune le monde de la pêche. À 15 ans, il embarque pour ses premières saisons sur le bateau de son père. Pourtant, il ne se destine pas immédiatement à cette vie. Il fait d’abord un détour par la maintenance industrielle, décroche un bac+2, puis revient finalement à la mer, comme si l’appel des vagues avait été plus fort.

 

À 20 ans, il devient matelot, puis patron remplaçant. Trois ans plus tard, il obtient en formation continue le brevet de lieutenant de pêche, puis celui de patron. C’est à cette période qu’il fait construire son propre bateau.

 

Aujourd’hui, Ludovic Le Roux dirige deux chalutiers de 20 et 22 mètres. Selon les saisons, il adapte ses techniques : chalut pélagique en bœuf, chalut de fond ou encore chalut à quatre panneaux. Sardine, anchois, thon, merlu… ce qu’il aime avant tout, c’est « la traque du poisson ».

 

Il se remémore avec émotion ses débuts : « Je triais la sardine avec un ancien et je faisais le quart de pêche avec mon père. » Mais tout n’a pas été simple. « Au début, j’étais malade en mer. »

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Les leçons d’une vie en mer

La mer, Ludovic l’a connue douce et cruelle. Il garde en mémoire un « gros coup de pêche » : dix tonnes de mulet noir en une sortie. Mais l’année où l’un de ses bateaux a coulé et l’autre a pris feu reste gravée comme une épreuve. « La mer m’a appris à ne jamais lâcher. C’est une vraie école de vie. »

 

Les saisons dictent son rythme de vie et de travail. Actuellement, la pêche à l’anchois structure ses semaines : « on part le samedi soir ou le dimanche matin pour deux jours en mer. On pêche de 6h à minuit. Tous les deux jours, on revient à La Turballe pour débarquer, puis on repart jusqu’au vendredi. »

 

À terre, sa femme et ses enfants l’attendent : « ce que je préfère, c’est les retrouver après plusieurs jours en mer. » Une vie de décalage, faite de sacrifices, mais aussi de solidarité. « Il faut une équipe soudée. C’est ce qui fait tenir. » Car si les compétences techniques sont importantes, selon lui, l’essentiel est ailleurs : « Il faut du courage, de la résilience et de la passion. »

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« La mer m’a appris à ne jamais lâcher. C’est une vraie école de vie. »
Ludovic Le Roux

Un métier en pleine transformation

Fort de ses 30 ans de navigation, Ludovic Le Roux a vu la profession évoluer positivement, mais elle doit poursuivre sa transformation : « Les bateaux sont anciens, mais mieux équipés. L’automatisation a beaucoup progressé. Physiquement, c’est moins dur. Mais aujourd’hui, il nous faut de la visibilité pour pouvoir investir dans de nouveaux bateaux, plus confortables, et pouvoir installer des jeunes ».

 

Le lien avec la terre s’est resserré grâce aux communications satellites. Le rythme a changé, lui aussi : « on a mis en place un système de roulement qui permet plus de vacances, quand on trouve du monde. » Mais il pointe aussi les nouvelles contraintes. « Ce qui me manque ? La liberté de pêcher. Et la jovialité d’autrefois. »

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Transmettre, défendre et alerter

Aujourd’hui, Ludovic mène aussi un autre combat à terre, en tant que président de l’OP Les Pêcheurs de Bretagne. Il dénonce les accusations portées contre la pêche française. Son message est sans équivoque : « on vit de la mer. Et on est les premiers à avoir intérêt à la préserver. » Cette responsabilité, il la porte avec force, conscient que la pêche française est une mosaïque de pratiques respectueuses et contrôlées.

 

Ludovic souligne aussi que la collaboration avec les scientifiques est désormais essentielle et bien installée : « on gère les ressources ensemble, on adapte les quotas. Mais malgré cela, les pêcheurs restent souvent les seuls accusés. Injustement. Nous ne sommes pas des destructeurs. »

 

Pour lui, il est urgent d’élargir le débat et de prendre en compte d’autres facteurs tout aussi cruciaux : « la pollution terrestre, le réchauffement climatique, l’artificialisation des côtes… Ce sont autant de menaces pour la mer. »

 

Et s’il fallait écouter une dernière voix, ce serait celle de la mer elle-même. « Si elle pouvait parler, elle dirait aux terriens d’écouter les marins. Et elle les alerterait sur le climat, avant qu’il ne soit trop tard. » Car la météo conditionne tout : les rendements comme la sécurité.

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