Sur les étals de poissonneries comme dans les rayons surgelés, les logos et labels se multiplient pour rassurer le consommateur. Mais que recouvrent vraiment ces démarches ? Comment distinguer le marketing des engagements concrets en faveur d’une pêche durable ? Zoom sur ces “preuves de qualité”, qui contribuent à préserver les ressources marines tout en valorisant le travail des marins-pêcheurs.
Tour d’horizon des principaux labels
Dans le secteur des produits de la mer, les labels et certifications se multiplient pour guider les consommateurs vers des choix plus responsables. On distingue généralement deux grandes familles : les écolabels, qui garantissent une pêche ou une aquaculture limitant l’impact sur l’environnement, et les signes officiels d’origine ou de qualité, qui valorisent un terroir, un savoir-faire ou un mode de production. Mais face à la diversité de logos et d’initiatives, il est parfois peu aisé de s’y retrouver. Petit tour d’horizon des labels emblématiques dans le secteur de la pêche :
- L’écolabel “Pêche durable”
- Premier écolabel public français, encadré par l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer), il a pour ambition de valoriser des exigences environnementales, économiques et sociales. Ce label est porté par les 3 piliers du développement durable : respect de l’environnement (situation du stock, impact sur l’écosystème, gestion de la pêcherie), activité économique (qualité, valorisation et traçabilité des produits) et éthique (rémunération, sécurité des équipages).
- Les pêcheries et opérateurs de commercialisation actuellement certifiés concernent 7 espèces : thon rouge de l’Atlantique, bar commun, légine australe, hareng, baudroie rousse, baudroie commune blanche, grenadier.
- Le label “bio” de l’Union Européenne
- Il s’applique uniquement aux produits issus de l’aquaculture, la pêche sauvage ne pouvant répondre aux critères du bio.
- Le label MSC
- Créé en 1997 par le WWF et Unilever, géré par une ONG à but non lucratif. Le Référentiel Pêcheries du MSC est un label privé qui certifie une gestion durable des pêcheries labellisées.
- En France, 14 pêcheries sont certifiées, parmi lesquelles la pêcherie de thon dans l’Atlantique (Orthongel), la pêcherie de coquilles Saint-Jacques à la drague de la baie de Saint-Brieuc, pêcherie de hareng de Mer du Nord et de Manche Est (FROM Nord, France Pélagique), pêcherie de légine à la palangre de Kerguelen et de Crozet (Syndicat des Armements Réunionnais Palangriers Congélateurs), pêcherie de thon rouge en Méditerranée (SATHOAN), pêcherie de thon listao en Océan Indien (CFTO), et bien d’autres.
- Le label ASC
- Créé en 2010, le label ASC est le cousin du MSC. Il est géré par une organisation indépendante sans but lucratif et concerne uniquement les produits issus de l’aquaculture. Il garantit que le poisson est produit dans le respect de l’environnement, et dans de bonnes conditions de travail.
… Et bien d’autres encore. On peut citer également le Label Rouge, signe officiel français attestant d’une qualité supérieure, le label Friends of the sea, dont la spécificité est de certifier le poisson sauvage comme le poisson d’élevage, ou encore la marque Pavillon France, qui promeut la consommation de produits issus de la pêche française et représente un partenaire précieux pour soutenir les filières locales et mettre en avant les producteurs français. Pour les consommateurs, les labels et certifications constituent donc des repères précieux de qualité et/ou de durabilité ; pour les pêcheurs, ils représentent une opportunité de mieux valoriser leur travail, de différencier leurs produits et de montrer leur engagement en faveur d’une pêche toujours plus responsable.
La norme AFNOR « Pêche thonière responsable », une initiative d’Orthongel
En janvier 2025, Orthongel, l’organisation française des producteurs de thons congelés et surgelés, a annoncé la publication de la norme volontaire NF V45-076 « Référentiel de bonnes pratiques pour une pêche durable et responsable des armateurs de thoniers senneurs tropicaux », élaborée en partenariat avec l’AFNOR. Cette annonce intervient après l’obtention, en mars 2024, de la certification MSC pour ses captures de thons albacore et listao dans l’océan Atlantique. Les captures de listao dans l’océan Indien sont certifiées MSC depuis 2021.
La norme NF V45-076 repose sur trois piliers majeurs : contrôle de l’activité, protection de l’environnement et responsabilités sociales. Elle établit un cadre commun pour les pratiques de la pêche thonière tropicale à la senne, avec l’ambition d’être partagée et enrichie. Pour Xavier Leduc, Président d’Orthongel, « cette norme volontaire représente une avancée majeure pour notre filière. Elle apporte un cadre clair et rigoureux aux bonnes pratiques que nous défendons depuis des années. Orthongel confirme ainsi sa volonté d’être un acteur exemplaire de la pêche durable, tout en renforçant la confiance des consommateurs et des partenaires envers nos produits. »
Derrière le logo, les critères de certification
Pour les pêcheries, obtenir un label n’est pas une simple formalité. Louise Hennache, Chargée de mission au sein de l’OP du Sud, souligne le travail demandé par FranceAgriMer dans le cadre de l’obtention de l’écolabel “Pêche durable” pour le thon rouge à l’hameçon : “le processus a été lancé en 2022, avec le soutien de plusieurs criées partenaires et de pêcheurs volontaires. L’objectif : nous engager concrètement dans une démarche de durabilité, et ce autour d’une espèce emblématique de la région.”
Deux années de travail ont été nécessaires pour éplucher et répondre point par point au référentiel de l’écolabel public. “En termes de critères sociaux, nous avons travaillé avec les navires à quai : les patrons pêcheurs devaient répondre à toutes les exigences, par exemple en termes de formations ou de sensibilisation à l’environnement marin”, ajoute Louise. “A bord, il fallait pouvoir disposer de poubelles de tri des déchets, d’engins de pêche sélectifs, mais aussi de nombreux éléments de traçabilité – dont des pin’s de l’écolabel à poser sur les poissons.”
En 2024, l’OP du Sud a obtenu sa certification. Cette reconnaissance va au-delà du logo : elle atteste d’une transformation progressive des pratiques, à terre comme en mer. “Nous voulons aller encore plus loin”, explique Louise. “Notre objectif est que tous nos navires adhérents pêchant le thon rouge soient labellisés. Nous en avons déjà la moitié : 17 bateaux certifiés, dont 6 disposants de points de vente directe en 2025. Cela représente 45 tonnes de thon rouge labellisées sur les 78 tonnes attribuées à notre OP pour cette année.”
La Sathoan, pionnière avec sa marque “Thon rouge de ligne, pêche artisanale”
En juillet 2019, la coopérative Sathoan, basée à Sète, a marqué une étape importante : sa marque « Thon rouge de ligne, pêche artisanale » est devenue la première pêcherie française à obtenir l’écolabel public « Pêche durable ». Une reconnaissance qui valorise le savoir-faire traditionnel de la pêche à la ligne, respectueuse de l’espèce et de son environnement.
En octobre 2020, la Sathoan a franchi un nouveau cap en devenant également la première pêcherie de thon rouge en France certifiée par le label international MSC, confirmant son rôle de pionnière dans la valorisation d’une pêche à la fois artisanale et durable.
Pour Nolwenn Cosnard, Chargée de mission Pêche et responsable projet au sein de l’OP Sathoan, l’obtention de ces deux certifications très complémentaires est une fierté : “c’est la reconnaissance officielle des efforts fournis par les pêcheurs depuis plus de 15 ans. Pour notre OP, c’est le renforcement de notre légitimité sur des sujets tels que la préservation de l’environnement, mais ce fut aussi l’occasion de coopérer main dans la main avec des ONG.”
Une fois labellisées, les pêcheries doivent respecter au quotidien des engagements très stricts pour se maintenir en conformité avec leur certification. Entre audits de contrôle internes et externes, suivis annuels ou encore autocontrôles des criées, les obligations ne manquent pas. Mais c’est le prix à payer pour renouveler, à terme, les labels durement obtenus.
Le prix de la durabilité
La certification est un processus coûteux pour les opérateurs de la filière, notamment les organisations de producteurs, les criées ou les vendeurs qui s’engagent dans cette démarche. “Chaque année, il faut payer les audits externes et y consacrer du temps”, explique Louise Hennache. “Les outils de communication coûtent aussi très cher, tout comme les outils de traçabilité – pins à apposer sur le poisson, autocollants sur les caisses, affichage des prix en vente directe, plaquettes, etc.” De ce fait, les labels et certifications peuvent sembler inaccessibles aux petites pêcheries.
Même son de cloche à la Sathoan : “les écolabels sont chers, mais le pêcheur n’en tire pas nécessairement un prix de vente plus élevé”, souligne Nolwenn Cosnard. “Pour être labellisé, le pêcheur fournit un effort considérable, qui va souvent au-delà de la réglementation “classique”. Les pêcheurs assument seuls une grande partie du travail et des contraintes”. Ainsi, chaque jour, les pêcheurs déploient de nombreux efforts pour garantir aux consommateurs un poisson de qualité, durable et traçable.
Labels : in fine, quels avantages ?
Pour Nolwenn Cosnard, les labels ont un impact commercial : les mareyeurs, ceux qui achètent en gros des poissons au sein des criées, puis assurent leur transformation, se tournent plus volontiers vers des produits certifiés.
Mais les bénéfices ne sont pas que commerciaux. Selon Louise Hennache, la labellisation contribue également à valoriser le métier de pêcheur et à le rendre plus attractif : “le label “Pêche durable” met en avant le travail des pêcheurs, leurs activités et leur métier. Aujourd’hui, les jeunes générations s’intéressent de plus en plus aux enjeux écologiques et au respect de la ressource marine. Parmi nos adhérents labellisés, la moitié sont des jeunes ! C’est donc un véritable enjeu, qui prend de plus en plus de place dans le débat public, et qui façonne l’avenir de nos métiers.”
Exigeants mais porteurs d’avenir, les labels et certifications traduisent l’engagement des pêcheurs à fournir un poisson de qualité. Un effort collectif qui dessine le chemin d’une pêche plus durable, au bénéfice – entre autres – de tous les consommateurs.
Sources :
- https://www.msc.org/fr/nos-actions/notre-approche/les-pecheries-engagees
- https://www.klarys.io/articles/peche-durable-labels-produits-mer
- https://www.thonrougedeligne.com/eco-label/
- https://www.comite-peches.fr/la-peche-francaise/ecolabels-de-la-peche/
- https://www.franceagrimer.fr/filières-et-thematiques/thematique/label-peche-durable
- https://www.ifremer.fr/fr/ressources/peche-les-labels-sont-ils-satisfaisants