Des filets à la criée : comment s’organise la pêche française ?   

L’industrie de la pêche française se caractérise par sa diversité : taille des navires, types d’activités, espèces recherchées. En fonction de ces caractéristiques, comment ces activités se partagent-elles le territoire maritime ? Une fois sortis du port, comment les pêcheurs choisissent-ils leurs zones de pêche et les espèces à cibler ? Cette structuration spatiale des activités de pêche joue un rôle crucial, car elle permet non seulement de répartir efficacement les zones de pêche, mais aussi d’assurer la cohabitation harmonieuse avec d’autres activités économiques comme le commerce maritime, l’extraction de granulats ou la production d’énergie, tout en respectant les politiques environnementales. Entre pêche côtière et hauturière, il existe donc un partage “naturel” de l’espace marin.

Le territoire maritime français est exceptionnel par sa richesse et son étendue (11 millions de km2) : des eaux côtières de la métropole aux zones éloignées des Terres australes, il offre une grande diversité de ressources aux exploitations variées. Par exemple, la pêche du merlu est emblématique en métropole, tandis que dans les Terres australes, on capture la légine. 

 

Une segmentation naturelle entre pêche hauturière et pêche côtière se dessine. Les pratiques de pêche se répartissent selon la durée des marées, allant de la petite pêche (24h) à la grande pêche (jusqu’à deux mois en mer !). Chacun de ces segments occupe des espaces marins distincts et répond à des besoins spécifiques. Les navires sont adaptés à cette répartition géographique des activités : les petits bateaux (moins de 12 mètres) opèrent à proximité des côtes, tandis que les plus grands navires (plus de 24 mètres) naviguent dans les zones éloignées du large.  

L’organisation portuaire au cœur de la dynamique de la pêche française

Les ports de pêche en France s’adaptent eux aussi à cette diversité, en fonction de l’ampleur des activités de pêche et de la nature des espèces capturées.  

On distingue :  

 

  • Les grands ports structurés, comme ceux de Lorient et de Boulogne-sur-Mer. Ces ports constituent de véritables hubs logistiques. Ils regroupent non seulement les sociétés d’avitaillement pour les navires, mais aussi tout un écosystème technique (motoristes, électriciens) essentiel à l’entretien des bateaux et des entreprises qui préparent et/ou transforment les produits de la mer. 

 

  • Les ports plus petits et moins structurés, qui se limitent souvent à des points de débarquement, avec parfois seulement des lieux de stockage et de vente des poissons par exemple : Royan, Gruissan, le Grau-du-Roi.    

Certains navires préfèrent également débarquer leurs prises dans des ports étrangers (Écosse, Norvège, Irlande) situés proche de leur zone de pêche, on parle alors de « base avancée », avant de rapatrier le poisson par la route, une pratique qui souligne l’importance de la logistique dans l’efficacité de la pêche française. 

 

10 premiers ports de peche

LE PORT DE LORIENT, UN EXEMPLE DE DIVERSITÉ

 

Le port de Lorient, Keroman, est un exemple emblématique de la diversité des activités de pêche en France. Premier port de pêche français en valeur, il génère un chiffre d’affaires de 70 millions d’euros et se classe deuxième en volume avec 18 000 tonnes de poissons débarqués en 2022. La flotte lorientaise, composée de 110 bateaux, dont des chalutiers polyvalents qui ciblent différentes espèces en fonction des saisons, comme la langoustine en hiver dans le golfe de Gascogne et la sardine et le thon germon en été. Il accueille également une douzaine de hauturiers de la Scapêche, le premier armateur français, qui pêchent en Ecosse et en Irlande des espèces comme la lotte, léglefin ou le merlu. 

 

*Tous les chiffres cités datent de 2022.  

De la mer à l’assiette : une logistique rigoureuse au service de la pêche

Une fois les poissons capturés, une chaîne logistique complexe entre en jeu pour acheminer ces produits de la mer jusqu’aux consommateurs. Les poissons sont d’abord stockés à bord des navires dans des conditions optimales pour préserver leur fraîcheur. Ils sont soit conservés sur glace, soit congelés immédiatement à bord, comme c’est le cas pour les navires qui opèrent dans des mers éloignées, à l’exemple de l’Émeraude de la compagnie des pêches de Saint-Malo, qui pêche le cabillaud dans les eaux froides du Svalbard. 

 

Une fois les navires de retour au port, les poissons sont déchargés et dirigés vers la criée, ou directement expédiés pour ceux qui sont congelés et conditionnés à bord. Véritable place de marché, la criée est le lieu où les produits de la mer sont vendus aux enchères, permettant une mise en concurrence des acheteurs, le prix s’adaptant directement à l’offre. Les acheteurs sont principalement des mareyeurs, des grossistes spécialisés dans les produits de la mer, qui achètent les poissons en grande quantité pour les redistribuer sur les marchés nationaux et internationaux. Cette étape de la criée est cruciale, car elle assure la transparence des transactions et le respect des normes sanitaires strictes, tout en permettant une valorisation optimale des captures. Après la vente, le poisson est directement acheminé vers les marchés et les restaurants ou transformé dans des unités spécialisées situées à proximité des grands ports. 

 

À un moment où les pressions sur les ressources marines sont multiples, entre, le changement climatique, la pollution et la concurrence croissante avec d’autres activités économiques, la préservation du territoire maritime des activités de pêche s’impose comme un levier essentiel pour garantir la vitalité et la souveraineté de la pêche française. En assurant la coexistence harmonieuse entre les différents types de pêche, qu’elles soient côtières ou hauturières, et le bon déroulement de la chaîne logistique, la France maintient cette industrie et une ressource de qualité, tout en protégeant ses ressources marines et ses intérêts économiques à long terme. 

Plus de sujets