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Cécile Cliquet : une vie guidée par les flots

Juriste, matelot, maître d’équipage, capitaine à la petite pêche, puis adjointe au capitaine d’armement au sein de la Compagnie française du thon océanique (CFTO) : Cécile Cliquet a exploré (presque) tous les visages du monde maritime. Rencontre avec une ancienne marin-pêcheuse passionnée par l’océan – entre héritage familial, engagement humain et sens du collectif.

Originaire de Picardie, Cécile a grandi entre terre et ciel. Son goût du voyage lui est transmis par son père, qui travaillait chez Air France. « Petits, on voyageait sur des strapontins, dans le cockpit des avions… On a eu beaucoup de chance », se souvient-elle. Mais l’attirance de Cécile pour l’ailleurs est aussi nourrie par un grand-père amoureux des terre-neuvas et des cap-horniers, et une famille maternelle férue de régates. La jeune femme a deux grandes passions, entre lesquelles elle ne sait pas choisir : l’aérien et le maritime. Ces mondes ne cesseront de se croiser dans sa trajectoire professionnelle… jusqu’à ce que l’un d’entre eux ne remporte la bataille !

Du droit à la mer : une Transatlantique, un déclic

Après des études de droit du transport effectuées à Paris, Cécile Cliquet intègre un cabinet d’assurance dans le domaine aéronautique. Mais cinq ans plus tard, celle qui a grandi dans une petite ville de province ne supporte plus le rythme parisien. Elle largue les amarres et embarque pour une Transatlantique sur les voiliers de l’AJD*. Une traversée décisive : « j’ai eu besoin de me vider la tête. Finalement, une fois arrivée aux Açores, j’ai démissionné. » Un choix guidé par une quête de sens et l’appel de la mer.

 

En 2004, elle s’installe en Bretagne. Elle passe ses premiers brevets de matelot dans la marine marchande puis débute une nouvelle vie : celle de marin, puis marin-pêcheuse sur chalutiers océanographiques (IFREMER, CNRS et Muséum d’Histoires Naturelles).

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« Les sacrifices sont à la hauteur du bonheur que nous apporte le travail de marin. »
Cécile Cliquet

Et vogue la jeune marin

Pendant plusieurs années, Cécile exerce ainsi en tant que marin. « Un métier de passion qui demande de grands sacrifices dans nos vies personnelles… un peu comme les sportifs de haut niveau finalement ! », s’amuse la jeune femme. Elle n’en démord pas : son métier, elle le trouve beau, attachant. Il est en lien avec la nature et l’humain. Et c’est ce qui lui plaît. « Les sacrifices sont à la hauteur du bonheur que nous apporte ce travail. »


Et le fait d’être une femme à bord ? Pour Cécile, ce n’est pas un sujet. « Sur les bateaux, la base de la différence entre les hommes et les femmes, c’est la force physique. Malgré cela, il y a énormément de choses que nous pouvons faire : la manutention des grues, la lecture des instruments, la gestion des cartes, etc. », insiste-t-elle. Cécile n’a aucune peine à trouver sa place. Et quand une difficulté se fait sentir, elle se fait aider. Même les vieux gréements (NDLR : des bateaux où tout n’est que corde, sans instrument de levage, et où chaque manœuvre se fait à la main et à la force) n’ont pas raison de sa passion : « J’ai fait une saison entière sur ce type de bateau, en équipe avec une fille. Un équipage 100% féminin et de nombreux défis à relever. »

Le retour à la terre

N’écoutant que son instinct, et après une dizaine d’années en mer, Cécile décide de revenir à terre… mais pas question de quitter l’univers maritime ! Elle prend alors un poste clé au sein de la Compagnie française du thon océanique (CFTO). « J’ai eu l’opportunité de pouvoir passer “de l’autre côté”, de connaître les coulisses du métier. Rester à terre pour pouvoir m’occuper de ma famille avait du sens pour moi. Finalement, ce que je fais aujourd’hui, c’est quand même la continuité de mon métier de marin », explique la jeune femme.

 

En tant qu’adjointe au capitaine d’armement, Cécile orchestre les relèves, gère les équipages et recrute les marins. « Il n’y a pas de journée type, et c’est ce qui rend le métier passionnant. C’est un poste très dynamique et transversal. » Avec une flottille de 13 bateaux et 230 marins, le quotidien de Cécile est bien rythmé, mais aussi profondément humain : « on connaît chacun de nos marins. Leurs compétences, leurs personnalités, leurs vies. » De plus, son expérience de marin-pêcheuse est une richesse pour aborder les défis du quotidien. « Cela m’a aidée de voir toutes les facettes du métier par le passé. Je sais ce que c’est de partir deux mois, les sacrifices que cela demande », souligne la jeune femme. « Je connais le rythme, les valeurs, la vie à bord, le confinement sur les bateaux. Tout cela m’est familier. »

LPM Guilvinec

Parmi les défis marquants rencontrés depuis sa prise de poste, Cécile évoque sans hésitation la crise sanitaire de 2020. Les marins bloqués en mer, leur impatience, les familles inquiètes, l’incertitude, l’organisation d’un rapatriement exceptionnel. « Certains sont restés quatre mois en mer, soit le double du temps habituel. On avait des enfants en pleurs qui demandaient quand leur papa rentrerait… C’est une période marquée au fer rouge. » Une épreuve difficile, mais aussi révélatrice de la solidarité au sein de l’équipe. Car Cécile insiste : les défis, « on les relève tous ensemble. »

 

L’ancienne marin-pêcheuse l’avoue volontiers : la mer lui manque. Pour autant, elle ne regrette pas son choix de revenir à terre. « C’est bien de voir l’envers du décor, d’avoir une vision d’ensemble du métier. On aborde les choses différemment. » Malgré tout, l’adjointe au capitaine d’armement soulève un paradoxe intéressant : lorsque le marin est en mer, il est totalement absent ; mais lorsqu’il est sur terre, il est là à 100% pour ses proches. Sur son poste actuel, plus classique dans ses horaires, Cécile débute après sa journée de travail une deuxième journée à la maison, avec ses enfants. « Finalement, je me sens moins disponible. La gestion vie professionnelle/vie personnelle est presque plus délicate lorsque l’on a un travail de bureau au quotidien. »

Une vision engagée pour l’avenir du métier

Aujourd’hui, et à son niveau, Cécile s’investit pour défendre une vision équilibrée de la mer et milite pour une réglementation internationale équitable. « Nous partageons tous les océans, d’où que l’on vienne : Bretagne, France, Europe… le monde entier ! Il faudrait que tout le monde suive les mêmes règles au niveau international. »

 

Face aux discours clivants, elle prône le dialogue entre pêcheurs, institutions et associations de défense de l’environnement. « Il faut construire ensemble. Il est inutile d’être les uns contre les autres : il faut que l’on aille tous dans la même direction. »

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