La pêche maritime est une activité ancestrale, essentielle à l’économie, à la culture et au patrimoine de nombreuses régions côtières françaises. Cependant, elle est souvent dépeinte de manière dichotomique : d’un côté, la petite pêche, perçue comme traditionnelle et durable, de l’autre, la grande pêche, accusée de surpêche et critiquée pour son impact sur les écosystèmes marins. Cette opposition est-elle justifiée ? Ne serait-il pas plus juste de considérer ces deux formes de pêche comme complémentaires, contribuant chacune à leur manière à la diversité de la pêche française, mais aussi à une pêche plus durable ?
Terminologie : qu’est-ce que la pêche maritime ?
En France, le concept de “pêche maritime” recouvre de nombreuses réalités. D’abord, géographiques : en effet, les navires de pêche sont présents dans les zones de pêche qui s’étendent le long des côtes françaises de l’Atlantique, de la Manche et de la Méditerranée, de ses territoires ultramarins, de l’Espagne à la Norvège, du golfe de Guinée jusque dans l’océan Indien ou l’Antarctique.
Plus de 300 espèces de poissons, crustacés et mollusques sont pêchées dans ces différentes mers et débarquées en France métropolitaine, en fonction de la répartition des populations et des techniques de pêche.
L’adaptation aux conditions de pêche très diverses se traduit par la définition réglementaire de « quatre types de pêche » réunies en quatre catégories :
- « La petite pêche » et « la pêche côtière » : elles opèrent dans les eaux proches des côtes, soit dans un rayon de 12 milles marins (22 km). Elles sont caractérisées par des équipages de 1 à 3 personnes, des marées courtes (moins de 24h pour la petite pêche, et entre 24 et 96 heures pour la pêche côtière) et des navires de petite taille.
- « La grande pêche » et « la pêche au large (hauturière) » : les navires opèrent dans les eaux françaises, européennes ou lointaines, avec des équipages de 5 à 6 personnes, pour des marées dépassant les 96 heures et pouvant s’étendre sur plus de 20 jours.
La petite pêche, un rouage essentiel de la vie des littoraux français
Souvent appelée “pêche artisanale”, la petite pêche est profondément enracinée dans la vie et le quotidien des communautés locales. Elle est un pilier de l’économie de nombreuses zones littorales, vecteur de dynamisme local. Les navires de petite pêche et de pêche côtière composent 90% des 3 834 navires actifs de la flotte de la pêche française. La petite pêche fournit des produits frais et de qualité, souvent vendus directement sur les marchés locaux, et participe ainsi à la préservation des traditions culinaires et au soutien de l’économie locale.
La grande pêche, un atout économique majeur pour la France
La grande pêche utilise des navires de plus grande envergure pour aller pêcher dans des eaux plus éloignées des côtes des espèces de poissons destinées non seulement au marché national, mais aussi à l’exportation. De fait, la grande pêche joue un rôle crucial dans la souveraineté alimentaire française, européenne et mondiale.
En 2021, la pêche au large et la grande pêche assurent 60 % de la production de la flotte française en volume de captures (495 000 tonnes capturées et débarquées en 2021, tous navires confondus, hors DOM) et 53 % du chiffre d’affaires de la flotte française (1,2 milliard d’euros en 2021 tous navires confondus, hors DOM).
Grande pêche et petite pêche : ensemble pour créer une pêche unifiée et durable
La diversité des pratiques de pêche répond à différents besoins : la petite pêche, par les espèces ciblées, répond à des consommateurs majoritairement locaux, ou la restauration avec des poissons à haute valeur ajoutée. La grande pêche et la pêche au large, par un rayon d’action plus étendu sur les territoires maritimes assurent une plus grande masse de production nationale, plus diversifiée, et dynamise le tissu économique local jusqu’à l’amont de la filière (criée, mareyage, etc.).
La petite et la grande pêche se révèlent donc en réalité profondément complémentaires. Plutôt que de les opposer, il convient de reconnaître leurs synergies et de promouvoir des pratiques responsables et durables dans les deux secteurs.
Une solidarité nécessaire face aux défis communs
En outre, il apparaît que la petite pêche et la grande pêche sont aussi unies dans les difficultés qu’elles rencontrent. Toutes les pêches sont dans des situations différentes, mais elles partagent des défis communs : la petite pêche est confrontée aux politiques environnementales et énergétiques, comme l’implantation des éoliennes en mer, qui peuvent restreindre l’accès aux zones de pêche côtières. La grande pêche, quant à elle, souffre d’un manque de reconnaissance et de compétitivité, en partie dû à l’absence de politiques de soutien volontaristes. Confrontées à de tels obstacles, grande pêche et petite pêche doivent se nourrir de la solidarité existante au sein de la filière pour assurer la pérennité de leur secteur.
À l’aube de l’année de la mer, il paraît indispensable de surpasser l’antithèse fréquemment évoquée entre petite pêche et grande pêche. Ces deux types de pêche contribuent à l’équilibre des places portuaires, ainsi qu’à la souveraineté nationale. La petite pêche et la grande pêche sont les deux jambes sur lesquelles repose l’avenir de la pêche française. Ensemble, elles forment un équilibre nécessaire pour répondre aux défis économiques, écologiques et sociaux de demain. Leur opposition constante ne peut que nuire à l’émergence d’une pêche française plurielle, unie et durable.