Du 9 au 13 juin 2025, la ville de Nice a accueilli la troisième Conférence des Nations Unies sur l’Océan. Organisée conjointement par la France et le Costa Rica, l’UNOC 3 avait pour objectif de mobiliser tous les acteurs pour conserver et utiliser durablement l’océan, les mers et les ressources marines. Avec la participation de 175 États membres des Nations Unies, 64 chefs d’État et de gouvernement, la Conférence a affirmé sa volonté d’agir et de renforcer solidairement l’ambition en faveur de la protection de l’océan à travers les Engagements de Nice pour l’Océan. Voici ce qu’on doit retenir de cette conférence que le président de la République Emmanuel Macron voulait « résolument tournée vers l’action ».
Rappel du contexte
L’UNOC 3 visait à mettre en œuvre l’objectif de développement durable n°14 des Nations Unies (ODD 14) sur l’environnement marin, avec trois priorités :
- Faire progresser les processus multilatéraux liés à l’océan pour réhausser le niveau d’ambition environnementale ;
- Mobiliser des financements pour une économie bleue durable ;
- Renforcer les connaissances scientifiques sur les milieux marins afin d’éclairer les décisions politiques.
Traité sur la haute mer : mise en œuvre imminente

Signé par 115 États en 2023 à New York, le traité sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine en haute mer – ou Biodiversity beyond national jurisdiction (BBNJ) – a pour objectifs de mieux encadrer le partage des ressources génétiques marines (sans compromettre les cadres de gestion internationaux existants), de réduire les impacts sur l’environnement (tels que prévus dans le cadre de la Convention des Nations Unis sur le droit de la mer), notamment par la mise en place d’outils de gestion spatiaux (« ABMT » Area-Baes Management Tools), dont les aires marines protégées.
La haute mer (c’est-à-dire ce qui se trouve au-delà des juridictions nationales) représente 50% de la surface de la planète et 64 % de l’océan.
Dans la pratique, le traité sur la haute mer doit être ratifié par 60 pays pour entrer en vigueur. Au niveau français, la loi de ratification a été adoptée à l’unanimité le 5 novembre 2024 et l’instrument de ratification a été déposé le 5 février 2025.
Lors de l’UNOC, la France a réussi à recueillir 21 signatures supplémentaires, et 19 ratifications, permettant d’atteindre au total 136 signatures et 51 ratifications. « Une victoire considérable », a déclaré Olivier Poivre d’Arvor, envoyé spécial du président de la République pour l’UNOC 3. Son entrée en vigueur devrait intervenir d’ici fin d’année 2025, pour une première Conférence des Parties (les « CoP ») en 2026.

L’UE a déposé son instrument de ratification et est partie à l’accord. Toutefois, en tant qu’organisation régionale d’intégration économique, seules les ratifications de ses États membres comptent pour les 60 ratifications nécessaires à l’entrée en vigueur de l’accord, conformément à l’article 68, paragraphe 3, du traité.
Pollution plastique : la lutte s’accélère
Chaque minute, l’équivalent d’un camion-poubelle de plastique est déversé dans nos océans, représentant annuellement 10 millions de tonnes de déchets. Pour lutter contre ce fléau, la scène internationale se mobilise. En mars 2022, la cinquième Assemblée des Nations Unies pour l’environnement a adopté une résolution en vue de négocier un traité mondial pour mettre fin à la pollution plastique, fondé sur une approche globale couvrant l’ensemble du cycle de vie des plastiques, y compris la réduction de la production. Après cinq premières sessions de négociations, une nouvelle session se tiendra à Genève du 5 au 14 août 2025.
Ces efforts ont pris une nouvelle dimension lors de l’UNOC 3 : sous l’impulsion de la France, 96 pays ont signé « l’Appel de Nice pour un traité ambitieux contre la pollution plastique ». Cette déclaration commune, qui vient s’inscrire dans ce cadre global, demande entre autres l’adoption d’un objectif mondial de réduction de la production et de la consommation de polymères plastiques primaires à des niveaux durables. Réduction des volumes, mais également de la toxicité de ces matériaux polluants. Un traité global pourrait être validé dès cet été à Genève.
Le gouvernement français a également annoncé le lancement du Plan plastique 2025-2030. Structuré autour de quatre axes, il orchestre la réduction de l’usage du plastique à l’échelle nationale sur les cinq prochaines années, au bénéfice de la santé des terres, des mers et de celle des humains.
Pêche illégale : mobilisation en cours
La pêche illicite, non déclarée et non réglementée (« pêche INN ») continue de menacer les écosystèmes : 13 tonnes de poissons sont pêchées illégalement chaque minute dans des zones non autorisées. Ce sont 15% des captures mondiales provenant de la pêche INN. L’UNOC 3 a été l’occasion d’intensifier le combat mené contre cette pêche illégale, et cela est passé par un renforcement du cadre international auquel les pêcheurs français partagent profondément le besoin.
Ainsi, 103 États ont ratifié l’accord dit « Fish 1 », de l’Organisation Mondiale de Commerce, qui doit mettre fin aux subventions à la pêche illégale. Huit ratifications sont encore nécessaires pour que le texte entre en vigueur. 23 pays ont également ratifié l’Accord dit « du Cap », de l’Organisation Maritime Internationale, relatif à la sécurité à bord des navires de pêche. Ce dernier entrera en vigueur dès la ratification de suffisamment de flottes pour atteindre un total de 3 600 navires de pêche. Avec 2 935 navires désormais éligibles, l’engagement de plusieurs pays lors de l’UNOC 3 devrait permettre une entrée en vigueur effective d’ici la fin de l’année 2025. A rappeler également l’engagement de la France dans la certification sociale (« C188 ») de l’Organisation International du Travail (OIT) pour lutter contre le travail forcé, qui s’applique aux navires français.
Quid des aires marines protégées ?
L’UNOC a été pour la France l’occasion d’annoncer la création de la plus grande aire marine protégée (AMP) du monde en Polynésie française. La quasi-totalité de la zone économique exclusive (ZEE) de l’archipel sera placée sous protection. Sur ces 4,8 millions de km2, 900 000 km2 bénéficieront d’une protection stricte, soit la plus grande zone reconnue par ce statut au monde.
Plus largement, le gouvernement français entend placer 4 % des aires marines hexagonales en zone de protection forte d’ici fin 2026 (aujourd’hui, ce chiffre s’élève à 0,1 %). En ajoutant les AMP d’outre-mer, le chiffre grimpe à 14,8 % des eaux françaises, contre 4,8 % aujourd’hui. 78 % de la surface maritime française totale sera protégée dès 2026.
Décarbonation du transport maritime : de nouveaux engagements
Décarboner le secteur maritime est une nécessité dans la lutte contre le changement climatique. Ainsi, la France s’est dotée dès 2023 d’une stratégie nationale ambitieuse pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.
L’UNOC a permis à chaque pays et aux armateurs de formuler de nouveaux engagements sur les ports durables et le transport maritime, à commencer par ceux issus de l’accord historique sur la tarification du carbone négocié au sein de l’Organisation Maritime Internationale. Cet accord, obtenu au printemps 2025, scelle la décarbonation totale du transport maritime à horizon 2050. Il devrait mobiliser 100 milliards de dollars au cours des dix prochaines années en faveur des carburants propres, de la transition énergétique maritime dans les pays du Sud et du développement du transport vélique. Ces mesures doivent encore faire l’objet d’un vote de confirmation en octobre 2025, destiné à assurer leur mise en œuvre au niveau mondial.
La science et l’innovation : un rôle plus crucial que jamais
Organisé en amont de l’UNOC par le CNRS et l’Ifremer, le One Ocean Science Congress a réuni 2 000 scientifiques venus du monde entier. Il en est ressorti une liste de dix recommandations formulées à l’attention des dirigeants participant à l’UNOC 3. La communauté scientifique internationale appelle ainsi à placer la sauvegarde des océans au cœur des mesures environnementales, à financer la recherche et tenir compte de ses constats, et à transformer les engagement politiques en actions concrètes.
Les 10 recommandations scientifiques pour protéger les océans
- Encourager la responsabilité de tous les pays à l’égard de l’Océan
- Promouvoir des solutions climatiques océaniques sûres et équitables
- Protéger et restaurer les écosystèmes marins et côtiers
- Interrompre les usages nuisibles des fonds marins et approfondir la connaissance des abysses
- Partager équitablement les bénéfices des ressources génétiques marines
- Mettre fin à la pêche illégale, non déclarée et non réglementée, et améliorer la transparence des accords de pêche
- Construire des systèmes alimentaires océaniques durables, équitables et sûrs
- Éliminer la pollution plastique marine
- Réduire les émissions de CO2 et les impacts du transport maritime
- Investir dans les connaissances transdisciplinaires pour agir en faveur des océans
Et la pêche dans tout ça ?
Ces grandes annonces sont une réponse formelle aux enjeux cruciaux que les pêcheurs français affrontent au quotidien, parfois depuis plusieurs dizaines d’années. Portés sur le devant de la scène géopolitique, ces enjeux ont suscité une prise de conscience étendue et, in fine, ont permis d’accélérer la réflexion et d’ouvrir la voie à des solutions concrètes. Gouvernance de la haute mer, lutte contre la pêche illégale, pollution plastique, décarbonation : certaines des mesures annoncées lors du Sommet de Nice auront un impact direct sur la pratique de nos marins-pêcheurs.
Ainsi, l’UNOC a su aussi rappeler une réalité trop souvent oubliée : les pêcheurs ne sont pas les ennemis de l’environnement, mais bien des acteurs clés de sa régulation, au contact direct des écosystèmes et en première ligne des transitions. Elle a également mis en lumière le rôle clé des organisations régionales de gestion de la pêche (ORGP), instances internationales appuyées sur la science, qui coordonnent depuis des années la gestion durable des ressources partagées, ainsi que la protection de la biodiversité, même si encore trop peu valorisé.
Pour être efficace, l’application de ces initiatives ambitieuses devra se faire dans un esprit de dialogue et de concertation avec les scientifiques et les professionnels de la pêche, comme nous le portons en France, avec l’objectif de dupliquer au niveau mondial nos pratiques nationales qui visent à mieux protéger les océans et leurs ressources, afin de continuer d’assurer la sécurité et la souveraineté alimentaire de la France et de faire vivre l’ensemble des acteurs de la filière.
Les différentes annonces de l’UNOC témoignent de la mobilisation générale inédite pour la protection de l’océan. Cette dynamique se poursuivra lors de la première COP de l’océan qui pourrait avoir lieu en 2026.
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Sources :
- https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/climat-et-environnement/la-protection-de-l-environnement-et-la-lutte-contre-les-pollutions/troisieme-conference-des-nations-unies-sur-l-ocean-unoc3-nice-9-13-juin-2025/
- https://www.touteleurope.eu/environnement/unoc-3-traite-sur-la-haute-mer-pollution-plastique-fonds-marins-ce-qu-il-faut-retenir-du-sommet-de-nice-sur-les-oceans/
- https://www.lemonde.fr/planete/live/2025/06/10/en-direct-unoc-il-n-y-a-jamais-eu-une-telle-mobilisation-sur-l-ocean-estime-emmanuel-macron-invite-sur-france-2_6612070_3244.html
- https://www.meretmarine.com/fr/science-et-environnement/a-nice-l-unoc-s-acheve-avec-plusieurs-avancees-significatives-sur-la-gouvernance-des-oceans
- https://www.ecologie.gouv.fr/presse/unoc-3-france-fixe-cap-clair-protection-renforcee-locean
- https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-46334-engagements-nice-ocean-unoc.pdf
- https://www.ecologie.gouv.fr/presse/unoc-3-france-fixe-cap-clair-protection-renforcee-locean
- https://www.cnrs.fr/fr/presse/ecouter-la-science-agir-pour-locean-10-recommandations-scientifiques-pour-locean
- https://www.ifremer.fr/en/press/research-action-global-scientific-community-releases-10-recommendations-guide-un-ocean
- https://www.mer.gouv.fr/laccord-des-nations-unies-sur-la-haute-mer-bbnj