La pêche est une activité soumise à de nombreuses réglementations, qu’elles soient européennes, nationales, régionales ou locales. Comment l’activité de pêche est-elle encadrée ? Les réglementations servent-elles à la création d’une pêche durable et raisonnée ? Cinq questions clés pour tout comprendre.
1. Quel rôle joue l'Union européenne dans la réglementation de la pêche ?
À l’image du monde agricole, la pêche française s’inscrit dans un cadre réglementaire défini en grande partie par l’Union européenne. Ainsi, l’UE joue un rôle central dans la gestion des activités de pêche, tant dans ses propres eaux1 que pour les navires européens qui opèrent à l’international. L’UE assure un cadre protecteur pour les pêcheurs en mettant en commun des zones de pêche au-delà des eaux territoriales.
Mise en place en 1983, la Politique Commune de la Pêche (PCP, ou “Europe Bleue”) constitue le socle de l’encadrement européen des activités de pêche. Elle contient un ensemble de règles visant la préservation des ressources biologiques de la mer, ainsi que la gestion et le contrôle des pêcheries européennes à l’intérieur et à l’extérieur des eaux de l’UE. Évolutive, la PCP a été réformée en 1992, en 2002 et en 2013. Une nouvelle phase de révision est attendue prochainement.
La PCP compte plusieurs grands principes : la durabilité, notamment via les Totaux Admissibles de Captures (TAC) assurant un niveau d’exploitation des stocks au rendement maximum durable (RMD2), la bonne utilisation des ressources, l’encadrement de la capacité de flotte, etc. Elle comporte également des aspects plus transversaux, liés à ce que l’on appelle la “régionalisation”, c’est-à-dire l’adaptation des règles en fonction des spécificités locales au sein des États membres. Certaines modalités permettent donc aux différents acteurs économiques et aux ONG, au sein-même des États membres, de discuter de mesures de gestion plus précises et détaillées en accord avec ce qui est vécu localement.
POUR ALLER PLUS LOIN
Au-delà des textes fixés par l’Union européenne, la gestion des pêches peut se faire à un niveau régional, par des “plans pluriannuels de gestion”, qui sont définis par zones.
Existent également ce que l’on appelle des mesures techniques, Il s’agit, par exemple, d’instaurer des règles d’utilisation des engins de pêche, des règles de tailles minimales de captures ou encore des fermetures de pêche sur des zones définies.
2. Les ORGP, c’est quoi et à quoi servent-elles ?
Les Organisations Régionales de Gestion de la Pêche (ORGP) sont des instances internationales mises en place par des pays ayant des intérêts communs en matière de pêche dans une zone géographique spécifique. En résumé, ce sont des accords spécifiques qui permettent de gérer les ressources halieutiques partagées.
Les ORGP facilitent les négociations entre différentes parties prenantes pour élaborer des réglementations soit sur la gestion de zones maritimes, soit sur la gestion de stocks particuliers dans le cadre de la gestion internationale des pêches. Ainsi, il peut y avoir des ORGP spécifiques sur certaines parties des océans, ou sur certaines espèces. C’est le cas du thon, par exemple, avec l’ICCAT3.
Très souvent, les ORGP bénéficient de l’apport d’expertises scientifiques (qu’elles soient intégrées ou indépendantes), afin d’orienter au mieux les modalités de gestion des pêches. Il est à noter que ces instances sont pleinement indépendantes.
3. L'UE protège-t-elle aussi les intérêts des pêcheurs européens à l'international ?
L’UE s’assure que les professionnels européens bénéficient de conditions de pêche équitables et durables. Elle s’engage activement pour protéger les intérêts des pêcheurs européens opérant dans des eaux internationales.
Elle participe aux négociations des ORGP, et conclut des accords particuliers, notamment avec certains États africains qui mettent à disposition une partie de l’exploitation de leurs eaux et de leurs ressources.
4. Quels impacts le Brexit a-t-il eu sur la politique de pêche de l'Union européenne ?
En faisant du Royaume-Uni un acteur externe à l’UE, le Brexit a introduit des défis significatifs dans la gestion de la pêche.
Nul ne peut nier que le Royaume-Uni était un partenaire important au sein de l’UE : le pays dispose de la zone de pêche la plus vaste de la façade Atlantique/mer du Nord, avec une zone économique exclusive de 756 milliers de km2, et ses eaux sont très poissonneuses. Selon une étude menée par Statista, le volume moyen de poissons capturés par les pêcheurs de l’UE dans les eaux britanniques s’élevait à 760 000 tonnes par an avant le Brexit (entre 2012 et 2016), tandis que leurs homologues britanniques ne pêchaient en comparaison que 90 000 tonnes dans les eaux de l’UE, soit plus de huit fois moins.
Le Brexit a profondément modifié le cadre des discussions et des négociations, nécessitant un nouvel accord sur l’accès aux eaux réciproques et la répartition des quotas de pêche. Une période de transition court jusqu’à l’été 2026 : progressivement, les pêcheurs européens devront réduire de 25 % leurs captures dans les eaux britanniques. Cela pose des défis importants pour le maintien des activités de pêche.
5. Comment l’UE s’assure-t-elle du respect des réglementations liées au secteur de la pêche ?
Le système européen de contrôle de la pêche garantit un suivi et un contrôle efficaces des flottes de pêche.
Concernant les quotas, qui constituent le cœur de la PCP, les professionnels déclarent scrupuleusement chacune des captures effectuées grâce à des outils informatiques. Chaque jour, ils notent où ils ont péché, quelle quantité et quelles espèces. Ils saisissent ces informations à bord de leurs navires et les transmettent quotidiennement aux autorités compétentes de contrôle des États membres.
Les navires de pêche sont équipés de systèmes de surveillance par satellite (balise VMS) qui fournissent à intervalles réguliers (environ toutes les 2 heures) des données sur leur position, leur route et leur vitesse aux autorités de pêche.
Enfin, la traçabilité des produits de la pêche et de l’aquaculture est également devenue depuis plusieurs années une priorité de l’UE, de l’administration française et des opérateurs de la filière. L’objectif est de disposer d’un système de contrôle général cohérent sur toute la chaîne de production et de commercialisation pour garantir le respect des règles de la PCP, du producteur jusqu’au consommateur. Dès lors que les poissons sont débarqués, des obligations de pesée, déclarations étiquetages s’appliquent à tous les opérateurs de la filière pour permettre de garantir la traçabilité des produits, de la mer à l’assiette.
1 Sont appelées “eaux européennes” toutes les zones économiques exclusives de l’ensemble des États membres de l’UE.
2Rendement maximum durable : le Rendement Maximal Durable (RMD) parfois appelé Production Maximale Équilibrée (PME) ou en anglais, Maximum Sustainable Yield (MSY), est la plus grande quantité de biomasse que l’on peut extraire en moyenne et à long terme d’un stock halieutique dans les conditions environnementales existantes sans affecter le processus de reproduction.
3 ICCAT : Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique. Fondée en 1969, l’ICCAT est une organisation intergouvernementale de pêche responsable de la conservation des thonidés et des espèces apparentées de l’océan Atlantique et de ses mers adjacentes.