Depuis 1983, les quotas de pêche sont au cœur de la Politique Commune de la Pêche (PCP) de l’Union européenne, socle de l’encadrement européen des activités de pêche. Zoom sur ce système de gestion conçu pour assurer l’exploitation durable des ressources halieutiques et préservation des écosystèmes marins.
Les quotas de pêche, aussi appelés Totaux Admissibles de Captures (TAC), ont été introduits en 1983 avec la première version de la Politique Commune de la Pêche (PCP)¹ de l’Union européenne. Ce dispositif vise à encadrer les volumes de capture annuelle par espèce et par zone géographique. L’objectif : garantir le niveau de prélèvement optimal des ressources marines en maintenant leur durabilité. Les quotas de capture constituent l’un des piliers de la gestion des pêches au sein de l’Union européenne, d’autres approches internationales assurant plutôt un contrôle direct des activités (nombre de bateaux ou temps passé en mer).
Les quotas de pêche : comment ça fonctionne ?
Les quotas sont définis sur la base des stocks halieutiques, c’est-à-dire des populations de poissons présentes dans une aire de répartition donnée. Sur la base d’indicateurs sur la dynamique des ressources, les scientifiques préconisent les volumes de prélèvement optimal. Les volumes de captures autorisés sont sur cette base fixés annuellement par l’Union européenne. Ces quotas sont ensuite répartis entre les États membres de l’UE selon des clés de répartition stable établies en 1983 sur la base des historiques de pêche.
“Chaque année, les possibilités de captures évoluent en fonction de l’état des stocks et de la préconisation des scientifiques, mais les parts de quotas des différents États membres de l’UE restent exactement la même”, indique Julien Lamothe, Directeur de l’organisation de producteurs FROM Sud-Ouest. “Chaque État membre définit alors ses propres modalités de répartition et de gestion des quotas qui lui sont attribués.”
Répartition et gestion des quotas en France
En France, les quotas sont répartis entre les différentes organisations de producteurs. “Chaque organisation de producteurs définit les modalités de gestion adaptées aux activités (type de pêche, saisonnalité) des entreprises de pêches adhérentes.”, précise Julien Lamothe. “L’objectif est d’assurer un accès équilibré aux possibilités de pêches tout au long de l’année en respectant les quotas attribués sous le contrôle de l’État”. Cette gestion décentralisée permet une flexibilité, chaque organisation pouvant adapter finement la gestion en fonction des spécificités locales et des besoins de ses membres.
Vers une évolution des quotas ?
La Politique Commune de la Pêche est révisée tous les 10 ans. Sa réforme la plus récente datant de 2013, la PCP pourrait connaitre des évolutions importantes et à n’en pas douter le système de quotas fera l’objet de discussions.
Parmi les points de débat figure entre autres la répartition des quotas entre les différents États membres. “En 1983, certains États qui sont actuellement dans l’UE ne l’étaient pas encore et à l’inverse le Royaume-Uni a fait le choix de quitter l’Union européenne”, explique Julien Lamothe. “Ces mouvements créent des situations qui déstabilisent la répartition des quotas entre les différents États Membres. Avec des volumes de captures contraints par l’abondance des ressources, il faut réussir à satisfaire des exigences particulières”, poursuit-il.
Des réflexions subsistent également concernant la gestion des quotas par chacun des États membres. D’aucuns évoquent régulièrement la possibilité d’introduire des « quotas individuels transférables » (QIT). Ce système permettrait aux opérateurs privés d’acheter ou de louer des quotas, introduisant ainsi une logique de marché dans la gestion des droits de pêche. Certains pays, comme les Pays-Bas, le Danemark ou l’Espagne, ont déjà adopté ce modèle.
Efficacité et limites des quotas pour la durabilité des ressources
Si les quotas de pêche font l’objet de nombreuses discussions, ils sont toutefois considérés comme un outil efficace pour orienter la gestion des ressources halieutiques. En fixant des limites claires sur les volumes de captures, ils permettent aux États membres de planifier et de réguler l’activité de leurs flottes de pêche. Cette approche a notamment rendu possible la reconstitution de nombreux stocks de poissons, comme le thon ou le merlu. Julien Lamothe constate : “la tendance est plutôt très bonne. Dans la plupart des zones concernées par les quotas, les stocks sont exploités à des niveaux compatibles avec le rendement maximum durable²”.
Malheureusement, les quotas ne constituent pas une solution miracle. En effet, des facteurs extérieurs au secteur de la pêche viennent tempérer ce bilan pourtant positif. Le dérèglement climatique, par exemple, modifie les dynamiques des stocks de poissons. Malgré un encadrement des captures opérées par la pêche les facteurs environnement limitent l’abondance des stocks. Le cas du cabillaud, dont les populations se raréfient dans les parties sud à cause du réchauffement des eaux – les poissons migrent -, illustre bien cette difficulté.
Quel impact économique sur les pêcheurs ?
Les variations des quotas, qu’elles soient à la hausse ou à la baisse, ont un impact direct sur l’activité économique des pêcheries. Une diminution soudaine des quotas peut contraindre les flottes à réduire leur activité, voire à se réorienter vers d’autres espèces ou techniques de pêche. “Cet effet est très marqué chez les flottilles qui exploitent de façon extrêmement ciblée telle ou telle espèce”, explique Julien Lamothe. Car les variations de quotas à la baisse ne sont pas rares : en témoignent le cas du chinchard, passé d’un quota confortable à une quasi-impossibilité de capture, ou même le lieu jaune, dont le niveau de capture autrefois très ouvert est aujourd’hui devenu extrêmement contraignant. De la même manière, une augmentation rapide des quotas d’une année sur l’autre peut aussi poser des problèmes de gestion de l’offre sur le marché.
Pour atténuer ces fluctuations, les organisations de producteurs jouent un rôle clé en réallouant les quotas entre les navires les plus et les moins dépendants d’une espèce donnée. Cette flexibilité interne permet de limiter l’impact des variations annuelles des quotas sur les pêcheries les plus vulnérables. “C’est la force de la France : nous avons une multitude de flottilles. Notre agilité réside dans notre capacité à réallouer les quotas pour soutenir ceux qui en dépendent le plus”, résume le Directeur du FROM Sud-Ouest.
Les quotas de pêche ont prouvé leur utilité pour préserver certaines ressources halieutiques et orienter la gestion des flottes de pêche en Europe. Cependant, des défis persistent, à l’heure où le changement climatique s’affranchit de toute règle et où la nécessité d’une vision à long terme pour la gestion des écosystèmes marins se fait impérieuse. Alors que la PCP s’apprête à être révisée, la question de l’évolution des quotas et de leur adaptation aux nouvelles réalités écologiques et économiques reste plus que jamais d’actualité.
¹PCP (Politique Commune de Pêche) : La politique commune de la pêche (PCP) est un ensemble de règles visant la préservation des ressources biologiques de la mer, ainsi que la gestion et le contrôle des pêcheries européennes à l’intérieur et à l’extérieur des eaux de l’Union européenne (UE). (Source EUR-Lex)
²Rendement maximum durable : le Rendement Maximal Durable (RMD) parfois appelé Production Maximale Équilibrée (PME) ou en anglais, Maximum Sustainable Yield (MSY), est la plus grande quantité de biomasse que l’on peut extraire en moyenne et à long terme d’un stock halieutique dans les conditions environnementales existantes sans affecter le processus de reproduction.
POUR ALLER PLUS LOIN
Pour aller plus loin au sujet de la gestion des pêches au sein de l’UE : Fiche thématique sur l’UE “Gestion des pêches dans l’Union européenne”