À la tête de l’Armement Cherbourgeois, Sophie Leroy et son mari dirigent une société emblématique de la pêche française. Forte d’une flotte de quatre chalutiers et d’une équipe de 40 marins et 10 employés à terre, cette cheffe d’entreprise met toute son énergie au service d’un secteur en mutation.
La passion du métier en héritage
Sophie Leroy a grandi au cœur de l’univers maritime. Avec des grands-parents et des parents mareyeurs, son parcours semblait tout tracé. « Je ne me voyais pas exercer un métier sans lien avec la mer », confie-t-elle. En 1999, elle se lance dans l’aventure entrepreneuriale avec son mari, également issu d’une famille de pêcheurs. Ensemble, ils fondent l’Armement Cherbourgeois avec un premier navire, le Marie-Catherine.
Dans ce couple d’entrepreneurs, la complémentarité est de mise. Si David Leroy est en mer pour conduire les opérations de pêche, Sophie Leroy assure pour sa part l’administratif et la gestion de l’entreprise à terre. Une répartition des rôles qui convient d’autant mieux à Sophie Leroy qu’elle n’a jamais été très attirée par la navigation. « Ce qui fait le sel de mon métier, c’est qu’il n’y a pas de routine : il faut être polyvalent et savoir gérer les imprévus », explique-t-elle.
Lorsqu’on l’interroge sur les éventuelles difficultés qu’elle aurait pu rencontrer en tant que femme dans un univers majoritairement masculin, elle répond sans détour : « je n’ai pas rencontré de difficultés particulières et puis, vous savez, j’ai un fort caractère ».
Le goût du challenge
L’envie d’entreprendre et l’audace scandent le parcours de Sophie Leroy. En 2009, la coopérative d’armement des pêcheurs artisans de la Manche (CAPAM) cherche un capitaine d’armement. En quête de nouvelles aventures, Sophie Leroy décide de relever le défi et postule, alors même que l’Armement Cherbourgeois détient déjà un navire. Elle devient capitaine au sein de la CAPAM en 2010. « Entre la CAPAM et l’Armement Cherbourgeois, je gère alors cinq bateaux » se rappelle-t-elle.
La chef d’entreprise devient familière des instances représentatives de la profession et d’institutions au sein desquelles elle défend son métier, sa passion : « grâce au soutien de Daniel Lefèvre, président du conseil d’administration de la CAPAM, j’ai pu accéder à plusieurs instances. Je suis notamment devenue membre du comité national des pêches maritimes et des élevages marins, j’ai été élue à la présidence de sa commission sécurité maritime et ai pu représenter le CNPMEM au sein de la commission centrale de sécurité ». « J’ai même participé à une réunion à l’Élysée lors de la crise sanitaire… », se souvient Sophie Leroy.
Cette expérience formatrice et déterminante s’arrête en 2017 pour laisser place à l’écriture d’une nouvelle page importante de l’histoire de l’Armement Cherbourgeois : la construction du premier bateau, le Maribelise, contraction des prénoms des enfants du couple. Après cette première expérience réussie, ils décident de réitérer en 2018 avec la construction d’un nouveau navire, le Marie-Catherine II.

Une marque employeur soignée
Alors que le renforcement de l’attractivité des métiers de la mer est devenu une priorité pour le secteur, Sophie Leroy se distingue par une approche qui fait ses preuves. « Nos bateaux n’ont jamais été immobilisés faute de personnel », assure-t-elle. L’attractivité de l’Armement repose sur trois piliers : une communication digitale dynamique, un esprit familial revendiqué, et des avantages financiers concrets.
En témoigne la création du site godaille.com avant la crise sanitaire dont le principe est aussi simple qu’innovant : une plateforme de vente de poissons en ligne qui redistribue intégralement ses recettes aux marins. « Cela apporte un complément de salaire qui n’est pas négligeable », explique Sophie Leroy. « Nos clients apprécient de savoir que leur achat bénéficie directement aux salariés. Cela valorise les marins, notre métier, notre ville, la Normandie » ajoute-t-elle.
L’optimisme, toujours
Lucide sur les défis de son secteur, Sophie Leroy reste résolument positive : « le pêcheur a une grande faculté à rebondir. Malgré les difficultés, nous sommes toujours parvenus à nous relever et à nous adapter ». La chef d’entreprise tient également à mettre l’accent sur l’attractivité des métiers de la pêche : « Ce secteur est un formidable ascenseur social. C’est sans doute le seul secteur dans lequel vous pouvez gagner un salaire très élevé sans avoir un très haut niveau de diplôme ».
Bien sûr, Sophie Leroy est lucide sur les conditions parfois difficiles dans lesquelles évoluent les professionnels de la pêche, à commencer par une lente détérioration du dialogue entre l’administration et les pêcheurs : « depuis quelques années nous constatons que certains contrôles réalisés en mer sur la mise en œuvre de la règlementation manquent de pédagogie ». Mais pour elle, la priorité est claire : valoriser les métiers de la pêche et promouvoir le savoir-faire français, notamment en informant les consommateurs sur les enjeux du secteur. Elle plaide également pour la consommation locale et les circuits courts, qui permettent de redonner du sens à l’acte d’achat. « Il est essentiel que les consommateurs prennent conscience de l’importance de soutenir notre filière. Pour ce faire, sensibilisons-les par exemple en assurant une meilleure transparence sur l’origine des poissons. Cela passe par une indication claire sur les cartes des restaurants pour préciser si les poissons proposés sont issus de l’élevage ou non. Ce sujet est une priorité pour moi. », conclut-elle avec conviction.