La renaissance du thon rouge grâce à la pêche durable
Autrefois symbole de surpêche, notamment parce qu’il fut victime de l’engouement mondial pour la cuisine japonaise et ses sushis, le thon rouge a frôlé l’effondrement. Mais cette espèce connaît aujourd’hui une véritable renaissance. Grâce à des pratiques durables, à l’engagement – entre autres – des pêcheurs français et à une collaboration étroite entre pêcheurs, scientifiques, associations et ONG, le thon rouge reprend des forces dans les eaux de la Méditerranée et de l’Atlantique, devenant ainsi un modèle de préservation des ressources marines. Cette reconnaissance est également le fruit d’une pression de contrôle accrue et de mesures de reconstitution imposant un encadrement fort de la capacité de pêche.
Poisson impressionnant, le thon rouge de l’Atlantique (Thunnus thynnus) est capable d’atteindre plus de 3 mètres de longueur et un poids allant jusqu’à 700 kilogrammes. En tant que prédateur, il joue un rôle important dans l’équilibre des écosystèmes marins. Cette espèce se divise en deux populations : celle de l’Ouest, qui se reproduit dans le golfe du Mexique, et celle de l’Est, dont la reproduction a lieu en mer Méditerranée.
Il y a quelques années, la pérennité du thon rouge a été grandement menacée : en effet, la forte hausse de la demande en sushis et en sashimis, en particulier sur le marché japonais, a entraîné une pression intense sur les stocks de l’Atlantique Est et de la Méditerranée.
Une reconstitution des stocks grâce à des efforts collectifs
De 1995 jusqu’à 2007, près de 50 000 tonnes de thons étaient pêchées chaque année : une surpêche qui a provoqué une chute drastique des populations de thons rouges. Ainsi, des mesures décisives ont été mises en place dès 2006 par la Commission Internationale pour la Conservation des Thonidés de l’Atlantique (ICCAT). Quotas de pêche, périodes de repos biologique et contrôles renforcés ont inversé une situation qui devenait critique.
La collaboration entre pêcheurs et scientifiques a également joué un rôle central dans la préservation de cette ressource. Des initiatives internationales, telles que le marquage électronique des thons rouges (comme dans le cadre du programme Bluefin Tuna Tagging, coordonné par l’ICCAT dès 2011), ont permis d’étudier leurs migrations et leurs comportements. Ces marquages contribuent à une meilleure connaissance de la biologie et du comportement de l’espèce facilitant ainsi l’élaboration de de modèles d’évaluation des stocks plus précis et le déploiement de mesures de gestion adaptées et efficaces.
Doublement récompensée, la SATHOAN, modèle de pêche durable
En France, la SATHOAN, coopérative maritime basée dans le golfe du Lion, incarne cet équilibre entre tradition et innovation. Spécialisée dans la pêche du thon rouge à la ligne ainsi qu’à la senne, elle regroupe près de 100 pêcheurs et gère plus de la moitié du quota français. Leur méthode de pêche, sélective et artisanale, limite l’impact sur les écosystèmes tout en garantissant une qualité du produit irréprochable.
En partenariat avec l’association VALPEM (Association pour la valorisation des produits de la pêche en Méditerranée), la coopérative a créé en 2014 la marque collective « Thon Rouge de Ligne – Pêche Artisanale », qui valorise cette méthode traditionnelle de pêche à l’hameçon. Cette démarche s’est vu décerner deux écolabels majeurs : « Pêche Durable » en 2019 et MSC (Marine Stewardship Council) en 2020. Ces distinctions, rares à l’échelle mondiale, font de cette coopérative la deuxième pêcherie au monde à obtenir la certification MSC pour le thon rouge. L’innovation est au cœur des pratiques de la SATHOAN. L’application ECHOSEA©, développée en partenariat avec des scientifiques et des pêcheurs, permet de collecter en temps réel des données précises sur les captures et observations d’espèces accessoires, afin de minimiser l’impact de la pêcherie sur l’écosystème marin. Elle permet depuis plusieurs années de collecter des milliers d’observations, dont la majorité sont effectuées par des pêcheurs volontaires et engagés dans la démarche de durabilité. En plaçant les pêcheurs au centre de ces initiatives, la coopérative leur donne un rôle actif dans la préservation des ressources marines. Par ailleurs, l’outil numérique OPQUOTA© garantit une traçabilité complète de la pêche jusqu’à l’assiette, offrant à chaque pêcheur comme à chaque consommateur une transparence totale tout au long de la chaîne de valeur.
Une renaissance visible et inspirante
Les résultats sont là : le thon rouge, disparu depuis 50 ans des côtes normandes, y est réapparu. En Méditerranée, les stocks continuent de croître, témoignant de la pertinence des mesures prises.
Ces efforts démontrent que la pêche durable repose autant sur l’innovation que sur l’engagement des acteurs de terrain. Les pêcheurs deviennent acteurs du changement et leviers de progrès.
Le thon rouge est bien plus qu’une réussite écologique. Son retour nourrit une vision optimiste de la gestion des ressources marines, où réglementation, innovation et tradition se renforcent mutuellement. Ce modèle offre des enseignements précieux pour d’autres espèces menacées, en montrant qu’une exploitation raisonnée peut rimer avec durabilité et qu’il est possible de conjuguer développement économique et respect des écosystèmes. Tradition et modernité convergent pour répondre aux enjeux écologiques tout en construisant un avenir pérenne pour la filière.