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Julien Escoffier : du bitume aux vagues

Source iconographique : © Alain TENDERO - Divergence-images.com

À 10 ans, Julien Escoffier s’est promis qu’il serait pêcheur. Aujourd’hui, à 47 ans, il navigue en solitaire au large du Grau-du-Roi depuis 8 ans. Devenu capitaine après deux carrières successives à terre, il incarne une génération de pêcheurs attachée à la ressource, à l’environnement et à l’essence du métier de marin-pêcheur.

Une promesse d’enfant

Avant de jeter l’ancre au Grau-du-Roi, Julien a longtemps navigué à terre. Originaire du Vercors, il a grandi dans un environnement tourné vers l’automobile. Mais l’été, c’est au Grau-du-Roi qu’il retrouve la mer. Son oncle l’emmène pêcher. À 10 ans, il se fait une promesse : un jour, il sera pêcheur. Il suivra d’abord d’autres chemins — carrossier-peintre, puis ambulancier pendant 21 ans au total : « Je n’aime pas la routine. J’ai toujours aimé changer, évoluer. Mais la mer, c’est ma passion depuis toujours. »

 

C’est cette passion qui finit par prendre le dessus. A presque 40 ans, il entame une reconversion dans un contexte complexe, en pleine réforme du secteur. Julien adapte son parcours, obtient son brevet de Capitaine 200 (NDLR : Le titulaire du brevet de capitaine 200 est responsable de l’expédition maritime et représente l’armateur) en 2018 et devient immédiatement capitaine de son propre bateau. Avant d’être officiellement diplômé, il exerce avec des dérogations et l’appui de capitaines habilités. Sa formation, entièrement financée par Pôle Emploi et la Région, lui permet de se lancer :

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« Je n’ai eu aucune aide pour acheter le bateau, mais au moins, je n’ai rien déboursé pour me former.  »
Julien Escoffier

Seul à bord et multifonction

Aujourd’hui, Julien travaille généralement seul à bord, dans une grande diversité d’activités : pêche au thon, à la battue, au filet. Mais c’est le thon qu’il préfère. Pour la traque. Pour l’excitation qu’elle procure. Appâts (sardines), glace, plein de carburant, choix du poste : chaque sortie commence par une préparation minutieuse, avant l’observation, la pêche, le traitement et la conservation du poisson, puis les déclarations obligatoires. Il vend principalement à un mareyeur local, Côté Fish. Travaillant seul, il a peu de temps pour la vente directe malgré sa formation pour la vente à quai. 

 

Multitâche par nécessité, il se définit comme un véritable couteau suisse : entretien du bateau, administration, pêche…
 « Il faut savoir tout faire. L’autonomie et la polyvalence sont la clé. », dit-il sans détour.

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© Alain TENDERO - Divergence-images.com

Un métier qui évolue, un pêcheur qui doit s’adapter

Au-delà du travail, c’est l’environnement qui le nourrit. Julien aime les grands espaces, le silence, la concentration. La solitude en mer. 
Il se souvient avec émotion de la capture de son premier thon, des levers de soleil et de lune, de la magie de voir les dauphins autour du bateau : « ce que j’aime dans ce métier, c’est un tout : la mer, la liberté, la pêche, et la satisfaction du travail accompli, une fois revenu à terre »

 

Pas de défis, dit-il, mais des objectifs. Il avance avec calme, conscient que le métier évolue vite. Et l’année en cours est très particulière. Il nous raconte que les conditions en mer se sont durcies : météo instable, sorties moins nombreuses. Mais le thon, lui, est très présent, jusque près des côtes, avec des captures importantes même en juin, ce qui est inhabituel. Une espèce prédatrice qui bouscule les équilibres, avec un impact sur la pêche des petits poissons qui elle, est plus compliquée. 

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« La présence accrue des thons proche des côtes modifie l’équilibre les espèces et rend la pêche au petit poisson plus difficile. Si on ajoute les changements climatiques, vivre uniquement de la pêche devient très difficile. »
Julien Escoffier

À ces changements s’ajoute une autre transformation : la profession est de plus en plus encadrée. Les démarches se multiplient et la charge administrative est de plus en plus lourde ; les outils numériques se généralisent – VISIOcapture (l’outil de télédéclaration des obligations déclaratives pour tous les navires de moins de 12 mètres), programmes de documentation de captures de thon rouge (BCD)… Julien le constate : s’adapter est devenu une compétence à part entière.

 

Pour l’enfant du Vercors devenu marin, la promesse est tenue. Et la mer, en retour, ne l’a jamais déçu. Il en apprécie chaque dimension : la liberté, la variété, le lien avec le vivant. Il souhaite simplement que l’on reconnaisse mieux l’engagement des pêcheurs pour la préservation de la ressource, leur attention aux tailles de capture, à la pollution, aux pratiques durables.

 

Et quand on lui demande ce que dirait la mer si elle pouvait parler, il répond sans hésiter :
 « Prends soin de moi, je prendrai soin de toi. »

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© Alain TENDERO - Divergence-images.com

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